lundi 26 février 2018

Galerie nationale d’Écosse (2 de 2)


Dans la galerie virtuelle, ouverte depuis peu, des collections de peinture du musée national d’Écosse à Edimbourg, en déambulant parmi des centaines de superbes paysages écossais nuageux et tourmentés, le flâneur découvre des œuvres qu’il n’aurait aucune chance de voir, voyagerait-il jusqu’en Écosse, parce qu’elles ne sont presque jamais exposées, comme les dessins et les aquarelles, trop fragiles à la lumière.

Et il remarquera ainsi William Hackstoun, un artiste si rare qu’il en ignorait probablement jusqu’au nom.

Né en 1855 près d’Edimbourg, Hackstoun étudiait à Glasgow l’architecture, qui le faisait pratiquer le dessin et l’aquarelle. Il était engagé par Ruskin, à Londres, pour faire des relevés et dessins de cathédrales du nord de la France (Ruskin lui conseilla de changer son nom, de Haxton en Hackstoun).
En parallèle il souhaitait faire une carrière de basse d’opéra, mais il semble qu’il ait finalement choisi, suite à des problèmes de santé (ou de caractère, disent certains commentaires), une vie d’aquarelliste modeste, mais reconnu des critiques et des galeries, à Glasgow et à Londres, jusqu’au 8 juin 1921.

Les trois magnifiques aquarelles qui illustrent cette note sont bien à l’abri de toute notoriété dans les réserves à l’hygrométrie contrôlée du musée d’Edimbourg. Ce sont, dans l’ordre de présentation, Paysage avec laboureur et autres personnages de 1889, Maison sur une colline surplombant une vallée de 1890, et Paysage avec des arbres et une rivière de 1893.



samedi 24 février 2018

Galerie nationale d’Écosse (1 de 2)


Comme nombre d’autres grands musées européens et américains, et sans attendre que le phare de tous les musées de la galaxie, le Louvre de Paris, daigne s’allumer, le musée national d’Écosse à Edimbourg (Scottish National Gallery Edinburgh) vient de mettre en ligne, accessibles à tous, des photographies de très haute qualité de presque toutes ses collections, de peinture, aquarelle, sculpture, photographie, dessin, y compris la galerie de portraits et les réserves, qui sont considérables (92 000 œuvres au total).
Et sous la condition d’une inscription légère, de bonnes reproductions peuvent être téléchargées et utilisées gratuitement.

Comme à l'habitude, quand s’ouvrent à l’internaute insatiable les collections d’un grand musée, il s’oublie dans une errance sans fin sur les détails de chefs d’œuvre dont il ne connaissait jusqu’à présent que de médiocres clichés.
Il y découvre que parmi les trois versions connues de l’énigmatique scène luministe du Greco (garçon allumant une chandelle avec un singe et un homme), celle d’Edimbourg (détail illustration 1) est certainement la plus belle.
Il contemple la souplesse du dessin de Giambattista Tiepolo dans l’immense toile « la découverte de Moïse » (détail ill. 2), dont manque la partie droite (un hallebardier) qui se trouve à Turin (une copie réduite mais complète peinte par son fils, Giandomenico, aujourd’hui à Stuttgart, prouve la séparation).
Il s’amuse à parcourir les détails délirants de « l’allégorie des 2 testaments » d’Hans Holbein, dont ce Christ ressuscité qui foule du pied un squelette et un démon clownesque (détail ill. 3), ou les foisonnantes élucubrations érotico-féeriques de Sir Noel Paton.
Enfin il admire tant de portraits renommés (détails ill. 4), par Gainsborough, par le sculpteur Medardo Rosso, et, par Allan Ramsay, celui de sa femme Margareth Lindsay vers 1760, l’un des plus beaux portraits de l’histoire de la peinture.

À suivre...





dimanche 18 février 2018

Nuages (42)

Cirrus sur Châteaudun, place du 18 octobre, fontaine Gaullier.

jeudi 8 février 2018

Pénurie soudaine de réalité


Derrière leur cache-nez, les peuples septentrionaux, qui vivent durant presque toute l’année dans des paysages auxquels manque la partie supérieure, la surface, doivent bien rire aujourd’hui du reste de l’Europe.

Soudain bouleversée devant l’effacement d’une partie de son décor quotidien, l’Europe avance à petits pas précautionneux, se congestionne, s’embouteille. Sa réalité lui échappe, comme gommée. Elle n’est pas habituée à se déplacer sur une abstraction, ou alors, une fois tous les dix ans.


Les peuples du Nord, eux, vivent continument dans ces paysages conceptuels qu’il faut reconstituer mentalement, c’est pourquoi ils produisent des films policiers ou des films d’horreur tellement abstraits. Cela tient à leurs paysages épurés, géométriques, désincarnés.

Alors ils sourient certainement de voir les pages des blogs et des médias du reste de l’Europe soudain blanchir à l’unisson. Ils savent que cela ne dure pas, que le Sud est frivole, et qu'ils se retrouveront bientôt à nouveau seuls dans leur décor métaphysique.





lundi 5 février 2018

Tableaux singuliers (8)


Dans l’art, indéfiniment, comme dans la vie, l’humain s’ennuie. La Bruyère le disait dès la première phrase de ses Caractères « Tout est dit, et l’on vient trop tard … ».
Alors il ne rêve plus que d’inédit, de jamais vu. Il invente un mouvement artistique chaque matin et le renie le soir-même. Il n’innove pas, puisque tout a déjà été dit, il le croit seulement.

Avant de peindre son célèbre Carré blanc sur fond blanc - en fait un gris pâle sur un blanc cassé un peu jaune - en 1918, Casimir Malevitch s’était exercé en 1915 à réaliser un Carré noir sur fond blanc, notion moins complexe. Il l’avait d’ailleurs antidaté à 1913 parce que les avant-gardismes changeaient décidément trop vite. Il se voulait l’indépassable fondateur de l’art le plus minimal.
En réalité, dans la Galerie Tretiakov, à Moscou, le concept se lézarde de jour en jour et le fond blanc réapparait en centaines de crevasses de la couche noire. Bientôt des éclats de peinture tomberont et il faudra recoller les morceaux.

Tant pis. À ce jeu, c’était loin d’être le premier tableau minimal dans l’histoire de la peinture. Paul Bilhaud, adepte des Arts incohérents, ami d’Alphonse Allais, avait exposé en 1882 à Paris un « Combat de nègres dans un tunnel », ou « Combat de nègres dans une cave, pendant la nuit », tableau totalement noir.

Eh bien, avant toute cette agitation, deux siècles et demi avant Duchamp, Malevitch, Allais et autres Tzara, un certain Cornelius Gysbrechts, spécialiste flamand du trompe-l’œil peint à l’huile, inventait d’un seul geste l’art conceptuel, l’art minimaliste, le constructivisme, le canular et le dadaïsme, en représentant l’envers d'un tableau encadré, comme en abyme. Peint probablement pour le roi du Danemark lors du séjour de Gysbrechts à Copenhague entre 1668 et 1672, on raconte qu’il eut un grand succès.

L’intérêt pour l’envers des tableaux est encore vivace aujourd'hui. En 2016, Vik Muniz, artiste qui reproduit habituellement des tableaux célèbres avec du chocolat fondu, des haricots ou des nouilles en sauce, exposait dans le musée Mauritshuis de La Haye des copies parfaites, en facsimilés, du revers des tableaux les plus illustres de Léonard de Vinci, Rembrandt, Vermeer…


Gysbrechts Cornelius - Envers d’un tableau encadré, c.1670, huile sur toile, 87 x 66 cm (musée national SMK de Copenhague)